Case number | CAC-ADREU-006322 |
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Time of filing | 2012-11-01 20:54:28 |
Domain names | soprafrance.eu |
Case administrator
Tereza Bartošková (Case admin) |
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Complainant
Organization | SOPRA STERIA GROUP (SOPRA STERIA GROUP) |
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Respondent
Name | MUYARD DOMINIQUE |
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Complétez les informations sur les autres procédures judiciaires, qui selon les information du Tribunal sont en cours ou ont été jugées, et qui concernent le nom de Domaine litigieux.
Le Tribunal n’a connaissance d’aucune autre procédure judiciaire ou extrajudiciaire, passée ou présente, relative au nom de domaine « soprafrance.eu ».
Situation de fait
Le nom de domaine « soprafrance.eu » a été enregistré le 21 mai 2012. Le titulaire de l’enregistrement, une personne physique, l’a enregistré au moyen d’un contrat rédigé en langue française. Le bureau d’enregistrement ayant la gestion du nom de domaine litigieux est actuellement la société Register.it S.p.A.
Le 30 juillet 2012, la société de droit français SOPRA GROUP a présenté une requête devant le Centre d’arbitrage ADR pour le règlement des litiges du domaine « .eu », rattaché au Tribunal d´Arbitrage auprès de la Chambre Economique de la République tchèque et de la Chambre Agraire de la République tchèque (ci-après « le Tribunal d’Arbitrage de la République tchèque » ou « le Tribunal ») en vue d’obtenir le transfert du nom de domaine « soprafrance.eu » à son profit. Elle a procédé ainsi en application de l’article B.1 des Règles pour le règlement des litiges du domaine « .eu » (qui seront ci-après dénommées « Règles ADR »). Le Tribunal d´Arbitrage de la République tchèque a confirmé la réception de cette requête qui lui est parvenue le 2 août 2012.
Suite à la demande d’authentification présentée auprès de l’EURID, registre du « .eu », ce dernier a, par application de l’article A.2 (k) des Règles ADR, indiqué que l’identité du titulaire était différente de celle indiquée par le requérant dans sa demande introductive. SOPRA GROUP a en conséquence été invitée le 16 août à modifier cette demande afin d’y identifier correctement le défendeur. Elle a pareillement été amenée à remplacer le nom du bureau d’enregistrement qui n’était pas non plus convenablement identifié. La société demanderesse a amendé sa requête initiale le même jour.
Le lendemain, le Tribunal a notifié le titulaire du nom de domaine qu’une procédure ADR avait été entamée contre lui, et que la date formelle de son ouverture était le 17 août 2012. Il a été dûment indiqué au défendeur qu’il était dans l’obligation de soumettre, dans les 30 jours ouvrés suivant la réception de cette notification, la réponse à la requête conformément aux exigences formulées dans l’article B.3 des Règles ADR et dans les Règles Complémentaires ADR.
Le 17 septembre 2012, le Tribunal a fait savoir au défendeur qu’il n’avait pas respecté le délai de soumission de sa réponse à la requête relative au nom de domaine « soprafrance.eu » et lui a rappelé les conséquences de son manquement à ses obligations.
L’arbitre signataire a été désigné le 24 octobre 2012 après déclaration d’impartialité et d’indépendance.
Le 30 juillet 2012, la société de droit français SOPRA GROUP a présenté une requête devant le Centre d’arbitrage ADR pour le règlement des litiges du domaine « .eu », rattaché au Tribunal d´Arbitrage auprès de la Chambre Economique de la République tchèque et de la Chambre Agraire de la République tchèque (ci-après « le Tribunal d’Arbitrage de la République tchèque » ou « le Tribunal ») en vue d’obtenir le transfert du nom de domaine « soprafrance.eu » à son profit. Elle a procédé ainsi en application de l’article B.1 des Règles pour le règlement des litiges du domaine « .eu » (qui seront ci-après dénommées « Règles ADR »). Le Tribunal d´Arbitrage de la République tchèque a confirmé la réception de cette requête qui lui est parvenue le 2 août 2012.
Suite à la demande d’authentification présentée auprès de l’EURID, registre du « .eu », ce dernier a, par application de l’article A.2 (k) des Règles ADR, indiqué que l’identité du titulaire était différente de celle indiquée par le requérant dans sa demande introductive. SOPRA GROUP a en conséquence été invitée le 16 août à modifier cette demande afin d’y identifier correctement le défendeur. Elle a pareillement été amenée à remplacer le nom du bureau d’enregistrement qui n’était pas non plus convenablement identifié. La société demanderesse a amendé sa requête initiale le même jour.
Le lendemain, le Tribunal a notifié le titulaire du nom de domaine qu’une procédure ADR avait été entamée contre lui, et que la date formelle de son ouverture était le 17 août 2012. Il a été dûment indiqué au défendeur qu’il était dans l’obligation de soumettre, dans les 30 jours ouvrés suivant la réception de cette notification, la réponse à la requête conformément aux exigences formulées dans l’article B.3 des Règles ADR et dans les Règles Complémentaires ADR.
Le 17 septembre 2012, le Tribunal a fait savoir au défendeur qu’il n’avait pas respecté le délai de soumission de sa réponse à la requête relative au nom de domaine « soprafrance.eu » et lui a rappelé les conséquences de son manquement à ses obligations.
L’arbitre signataire a été désigné le 24 octobre 2012 après déclaration d’impartialité et d’indépendance.
A. Partie Requérante
La société SOPRA GROUP soutient que le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion avec une marque sur laquelle elle a des droits (A), que le défendeur n’a aucun droit ni aucun intérêt légitime à faire valoir sur ce nom (B) et que le nom de domaine a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi (C).
A. Le nom de domaine est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque sur laquelle le requérant a des droits (Article 21 1. du Règlement (CE) n°874/2004 et Article B 1.(b) (10) (i) A. des Règles ADR)
La société SOPRA GROUP soutient ce qui suit, en renvoyant à diverses pièces qu’elle a produites devant le Tribunal :
« Le Requérant, société créée en 1968, est spécialisé dans le conseil et les services dans le domaine des technologies de l'information. SOPRA GROUP est aujourd'hui un acteur majeur européen du conseil, des services informatiques et de l’édition de logiciels.
SOPRA GROUP est notamment implanté en France, au Benelux, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni et en Suisse.
Le Requérant est notamment titulaire des marques suivantes:
- Marque communautaire "SOPRA" n° 003233335 déposée le 16 juin 2003 et enregistrée le 3 février 2005 en classes 9, 16, 35, 38, 41 et 42 pour désigner les produits et services suivants : "Logiciels et progiciels enregistrés, logiciels de transmissions de données à distance, progiciels et programmes d'ordinateurs enregistrés concernant tous domaines d'activité confondus; banques de données informatiques sur support informatique; supports magnétiques pour programmes d'ordinateurs; Programmes d'ordinateurs non enregistrés; supports papiers ou cartons pour programmes d'ordinateurs; Services d'enregistrement, transcription, compilation et transmission de données informatiques; services de saisie informatique; exploitation d'une banque de données administratives; Services de transmissions de données informatiques assistées par ordinateur, services de communication par le biais de serveurs télématiques, services de transmission d'informations contenues dans des banques de données; Services de formation; services de formation dans le secteur de l'informatique; Services d'analyse et programmation pour ordinateurs; services d'installation de logiciels et de maintenance desdits logiciels; services d'intégration de produits informatiques tels que logiciels et progiciels, et de paramétrages informatiques"
- Marque communautaire "SOPRA" n°009199886 déposée le 24 juin 2010 et enregistrée le 6 décembre 2010 en classes 9, 16, 35, 38, 41 et 42 pour désigner les produits et services suivants : "Logiciels et progiciels enregistrés, logiciels de transmissions de données à distance, progiciels et programmes d'ordinateurs enregistrés concernant tous domaines d'activité confondus; banques de données informatiques sur support informatique; supports magnétiques pour programmes d'ordinateurs; Programmes d'ordinateurs non enregistrés sous forme de fichiers papiers; supports papiers ou cartons pour programmes d'ordinateurs; Services d'enregistrement, transcription et compilation de données informatiques; services de saisie informatique; exploitation d'une banque de données administratives; services d'aide et de conseils dans l'exploitation ou la direction d'une entreprise commerciale, service d'aide et de conseils auprès des directions générales d'entreprise à définir leur stratégie de développement et à évaluer les impacts sur les organisations, accroitre leur performance et renforcer leur orientation et relation avec leur clientèle, assister les responsables opérationnels dans leur choix technologique et sélectionner les solutions qui permettront à l'entreprise de satisfaire ces objectifs stratégiques; services de conseils pour l'organisation et la direction des affaires, consultation pour la direction des affaires, conseils en management et conseils en management de personnel, conseils d'entreprise dans le domaine du management du temps et du temps de travail; Services de transmissions de données informatiques assistées par ordinateur, services de communication par le biais de serveurs télématiques, services de transmission d'informations contenues dans des banques de données; services de transmission de données informatiques; Education; services de formation; services de formation dans le secteur de l'informatique. Organisation de stages et édition de textes concernant le domaine du management; organisation de formations et de perfectionnement au management du personnel, cadres et dirigeants; Services d'analyse et programmation pour ordinateurs; services d'installation de logiciels et de maintenance desdits logiciels; services d'intégration de produits informatiques tels que logiciels et progiciels, et de paramétrages informatiques".
Le Requérant est également titulaire du nom de domaine « sopra.com » réservé le 3 juillet 1997.
Le nom de domaine contesté « soprafrance.eu » reproduit à l'identique la marque "SOPRA", créant ainsi un risque de confusion.
Le terme "france" qui y est accolé, n'ayant pas de caractère distinctif particulier, n'est pas de nature à éviter le risque de confusion.
De surcroît, il laisse entendre que le site correspondant au nom de domaine est celui de l'entité française du groupe ».
Le requérant demande donc au Tribunal de constater que « le nom de domaine « soprafrance.eu » est similaire au point de prêter à confusion avec les marques "SOPRA" du Requérant ».
B. Le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache (Article 21 1. a) du Règlement (CE) n°874/2004 et Article B 1.(b) (10) (i) B. des Règles ADR)
SOPRA GROUP soutient ce qui suit, renvoyant sur certains points à diverses pièces produites devant le Tribunal :
« Aux termes de l'Article 21 2. du Règlement (CE) n°874/2004 : "L'existence d'un intérêt légitime au sens du paragraphe 1, point a), peut être démontrée quand: a) avant tout avis de procédure de règlement extrajudiciaire des litiges, le titulaire d'un nom de domaine a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine dans le cadre d'une offre de biens ou de services ou qu'il peut démontrer s'y être préparé; b) le titulaire d'un nom de domaine est une entreprise, une organisation ou une personne physique généralement connue sous ce nom de domaine, même en l'absence de droits reconnus ou établis par le droit national et/ou communautaire; c) le titulaire d'un nom de domaine fait un usage légitime et non commercial ou correct du nom de domaine, sans intention de tromper les consommateurs ou de nuire à la réputation d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire".
En l'espèce, le Défendeur n'est pas connu dans la vie des affaires sous le nom de domaine objet de la plainte.
Le Défendeur est titulaire uniquement d'une marque française et d'une marque internationale "BIORESONANCE" mais d'aucune marque "SOPRA" ou "SOPRA FRANCE" dans les registres français, communautaire et international.
Le Requérant n'a donné aucune autorisation au défendeur d'enregistrer le nom de domaine « soprafrance.eu », ni ne lui a concédé de licence d'utilisation de ses marques.
De plus, le Défendeur n'utilise pas le nom de domaine objet du litige pour une offre de biens ou de services, ni ne se prépare à une telle activité, puisqu'il essaie de faire passer son site internet pour un site du Requérant par la pratique du "framing", opération consistant à afficher sur une page web celle d’une autre personne via des liens hypertextes.
En effet, le site « www.soprafrance.eu » est identique au site de Sopra Group.
Néanmoins, on constate que le code source du site « www.soprafrance.eu » comporte uniquement mention du "frame" et d'un renvoi au site « www.sopra.com » du Requérant.
Ainsi, le site « www.soprafrance.eu » se présente comme un site véritable de SOPRA GROUP par un renvoi vers l'url du site « www.sopra.com ».
En outre, le Défendeur tente de se faire passer pour la société Sopra Group afin de se faire ouvrir des comptes auprès des fournisseurs du Requérant, en utilisant une boite mail reliée au nom de domaine objet du litige, et en insérant dans sa signature l'adresse du siège social du Requérant.
Le Défendeur utilise ainsi l'adresse email « info@soprafrance.eu » dans le but d'ouvrir des comptes auprès des fournisseurs du Requérant, et ce, de façon répétée ».
Le requérant demande donc au Tribunal de juger que « le Défendeur ne saurait (…) justifier d'aucun intérêt légitime sur le nom de domaine « soprafrance.eu » ».
C. Le nom de domaine a été enregistré ou est utilisé de mauvaise foi
(Article 21 1. b) du Règlement (CE) n°874/2004 et Article B 1.(b) (10) (i) C. des Règles ADR)
La société SOPRA GROUP soutient ce qui suit, en renvoyant à diverses pièces qu’elle a produites devant le Tribunal :
« Aux termes de l'Article 21 3. du Règlement (CE) n°874/2004: "La mauvaise foi au sens du paragraphe 1, point b), peut être démontrée quand: […] c) le nom de domaine est enregistré dans le but essentiel de perturber les activités professionnelles d'un concurrent; d) le nom de domaine a été utilisé intentionnellement pour attirer, à des fins lucratives, des utilisateurs de l'internet vers le site internet ou un autre espace en ligne du titulaire du nom de domaine, en créant une confusion avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire ou un nom d'organisme public, cette probabilité de confusion concernant la source, le sponsoring, l'affiliation ou l'approbation du site internet ou de l'autre espace en ligne du preneur ou d'un produit ou service qui y est proposé. […]".
Comme indiqué ci-avant, le Défendeur utilise ainsi les adresses email « info@soprafrance.eu » et « commercial@soprafrance.eu », de manière récurrente, dans le but d'ouvrir des comptes auprès des fournisseurs du Requérant.
Une plainte pénale sera d'ailleurs déposée par Sopra Group à cet égard.
Le Défendeur reproduit un schéma destiné à faire croire que ces emails émanent effectivement de Sopra Group.
Ces emails, envoyés via une adresse email quasi-identique à celles du Requérant, se présentent comme émanant du Requérant, et ce, d'autant plus que la signature de l'expéditeur mentionne l'adresse du Requérant (3 rue [xx xxx xxxxxx, 74xxx Xxxxxx xx Xxxxx). Néanmoins, l'on peut constater que les numéros de téléphone indiqués en signature des emails commencent par "01", indicatif de la région Ile-de-France et non à la région d’ Xxxxxx xx Xxxxx ("04").
De plus, dans la mesure où le site internet « www.soprafrance.eu » apparaît pour l'internaute non averti comme un site du Requérant, par le biais du "framing", le destinataire de ces emails est amené à croire que ces emails proviennent effectivement du Requérant.
De surcroit, ces pratiques sont récurrentes, et ce, par le biais de divers noms de domaine.
En effet, le Requérant a précédemment subi une tentative de fraude identique via le nom de domaine « sopragroupe.fr ».
On constatera ainsi que l'email reçu de l'adresse « info@sopragroupe.fr » est quasiment identique à ceux reçus de l'adresse email « info@soprafrance.eu ».
Le corps du message est identique et les numéros de téléphone sont également des numéros de la région Ile-de-France, très similaires (commençant tous deux par [les mêmes six premiers chiffres]).
L'AFNIC dans sa décision SYRELI statuant sur la demande FR-2012-00048 à l'encontre du nom de domaine « sopragroupe.fr » a d'ailleurs reconnu, pour ces mêmes pratiques, la mauvaise foi du titulaire du nom de domaine.
Ces éléments cumulés démontrent donc une réelle intention de tromperie en usurpant l'identité du Requérant ».
Le requérant demande donc au Tribunal de juger que « les circonstances montrent que le nom de domaine « soprafrance.eu » a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi ».
Le requérant ajoute que « le Tribunal ne pourra donc que constater que l'enregistrement du nom de domaine « soprafrance.eu » est abusif » et demande qu’en soit ordonné le transfert au profit du Requérant, attestant de son éligibilité au regard de l’article 4.2 b) du Règlement 733/2002/CE.
A. Le nom de domaine est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque sur laquelle le requérant a des droits (Article 21 1. du Règlement (CE) n°874/2004 et Article B 1.(b) (10) (i) A. des Règles ADR)
La société SOPRA GROUP soutient ce qui suit, en renvoyant à diverses pièces qu’elle a produites devant le Tribunal :
« Le Requérant, société créée en 1968, est spécialisé dans le conseil et les services dans le domaine des technologies de l'information. SOPRA GROUP est aujourd'hui un acteur majeur européen du conseil, des services informatiques et de l’édition de logiciels.
SOPRA GROUP est notamment implanté en France, au Benelux, en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni et en Suisse.
Le Requérant est notamment titulaire des marques suivantes:
- Marque communautaire "SOPRA" n° 003233335 déposée le 16 juin 2003 et enregistrée le 3 février 2005 en classes 9, 16, 35, 38, 41 et 42 pour désigner les produits et services suivants : "Logiciels et progiciels enregistrés, logiciels de transmissions de données à distance, progiciels et programmes d'ordinateurs enregistrés concernant tous domaines d'activité confondus; banques de données informatiques sur support informatique; supports magnétiques pour programmes d'ordinateurs; Programmes d'ordinateurs non enregistrés; supports papiers ou cartons pour programmes d'ordinateurs; Services d'enregistrement, transcription, compilation et transmission de données informatiques; services de saisie informatique; exploitation d'une banque de données administratives; Services de transmissions de données informatiques assistées par ordinateur, services de communication par le biais de serveurs télématiques, services de transmission d'informations contenues dans des banques de données; Services de formation; services de formation dans le secteur de l'informatique; Services d'analyse et programmation pour ordinateurs; services d'installation de logiciels et de maintenance desdits logiciels; services d'intégration de produits informatiques tels que logiciels et progiciels, et de paramétrages informatiques"
- Marque communautaire "SOPRA" n°009199886 déposée le 24 juin 2010 et enregistrée le 6 décembre 2010 en classes 9, 16, 35, 38, 41 et 42 pour désigner les produits et services suivants : "Logiciels et progiciels enregistrés, logiciels de transmissions de données à distance, progiciels et programmes d'ordinateurs enregistrés concernant tous domaines d'activité confondus; banques de données informatiques sur support informatique; supports magnétiques pour programmes d'ordinateurs; Programmes d'ordinateurs non enregistrés sous forme de fichiers papiers; supports papiers ou cartons pour programmes d'ordinateurs; Services d'enregistrement, transcription et compilation de données informatiques; services de saisie informatique; exploitation d'une banque de données administratives; services d'aide et de conseils dans l'exploitation ou la direction d'une entreprise commerciale, service d'aide et de conseils auprès des directions générales d'entreprise à définir leur stratégie de développement et à évaluer les impacts sur les organisations, accroitre leur performance et renforcer leur orientation et relation avec leur clientèle, assister les responsables opérationnels dans leur choix technologique et sélectionner les solutions qui permettront à l'entreprise de satisfaire ces objectifs stratégiques; services de conseils pour l'organisation et la direction des affaires, consultation pour la direction des affaires, conseils en management et conseils en management de personnel, conseils d'entreprise dans le domaine du management du temps et du temps de travail; Services de transmissions de données informatiques assistées par ordinateur, services de communication par le biais de serveurs télématiques, services de transmission d'informations contenues dans des banques de données; services de transmission de données informatiques; Education; services de formation; services de formation dans le secteur de l'informatique. Organisation de stages et édition de textes concernant le domaine du management; organisation de formations et de perfectionnement au management du personnel, cadres et dirigeants; Services d'analyse et programmation pour ordinateurs; services d'installation de logiciels et de maintenance desdits logiciels; services d'intégration de produits informatiques tels que logiciels et progiciels, et de paramétrages informatiques".
Le Requérant est également titulaire du nom de domaine « sopra.com » réservé le 3 juillet 1997.
Le nom de domaine contesté « soprafrance.eu » reproduit à l'identique la marque "SOPRA", créant ainsi un risque de confusion.
Le terme "france" qui y est accolé, n'ayant pas de caractère distinctif particulier, n'est pas de nature à éviter le risque de confusion.
De surcroît, il laisse entendre que le site correspondant au nom de domaine est celui de l'entité française du groupe ».
Le requérant demande donc au Tribunal de constater que « le nom de domaine « soprafrance.eu » est similaire au point de prêter à confusion avec les marques "SOPRA" du Requérant ».
B. Le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache (Article 21 1. a) du Règlement (CE) n°874/2004 et Article B 1.(b) (10) (i) B. des Règles ADR)
SOPRA GROUP soutient ce qui suit, renvoyant sur certains points à diverses pièces produites devant le Tribunal :
« Aux termes de l'Article 21 2. du Règlement (CE) n°874/2004 : "L'existence d'un intérêt légitime au sens du paragraphe 1, point a), peut être démontrée quand: a) avant tout avis de procédure de règlement extrajudiciaire des litiges, le titulaire d'un nom de domaine a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine dans le cadre d'une offre de biens ou de services ou qu'il peut démontrer s'y être préparé; b) le titulaire d'un nom de domaine est une entreprise, une organisation ou une personne physique généralement connue sous ce nom de domaine, même en l'absence de droits reconnus ou établis par le droit national et/ou communautaire; c) le titulaire d'un nom de domaine fait un usage légitime et non commercial ou correct du nom de domaine, sans intention de tromper les consommateurs ou de nuire à la réputation d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire".
En l'espèce, le Défendeur n'est pas connu dans la vie des affaires sous le nom de domaine objet de la plainte.
Le Défendeur est titulaire uniquement d'une marque française et d'une marque internationale "BIORESONANCE" mais d'aucune marque "SOPRA" ou "SOPRA FRANCE" dans les registres français, communautaire et international.
Le Requérant n'a donné aucune autorisation au défendeur d'enregistrer le nom de domaine « soprafrance.eu », ni ne lui a concédé de licence d'utilisation de ses marques.
De plus, le Défendeur n'utilise pas le nom de domaine objet du litige pour une offre de biens ou de services, ni ne se prépare à une telle activité, puisqu'il essaie de faire passer son site internet pour un site du Requérant par la pratique du "framing", opération consistant à afficher sur une page web celle d’une autre personne via des liens hypertextes.
En effet, le site « www.soprafrance.eu » est identique au site de Sopra Group.
Néanmoins, on constate que le code source du site « www.soprafrance.eu » comporte uniquement mention du "frame" et d'un renvoi au site « www.sopra.com » du Requérant.
Ainsi, le site « www.soprafrance.eu » se présente comme un site véritable de SOPRA GROUP par un renvoi vers l'url du site « www.sopra.com ».
En outre, le Défendeur tente de se faire passer pour la société Sopra Group afin de se faire ouvrir des comptes auprès des fournisseurs du Requérant, en utilisant une boite mail reliée au nom de domaine objet du litige, et en insérant dans sa signature l'adresse du siège social du Requérant.
Le Défendeur utilise ainsi l'adresse email « info@soprafrance.eu » dans le but d'ouvrir des comptes auprès des fournisseurs du Requérant, et ce, de façon répétée ».
Le requérant demande donc au Tribunal de juger que « le Défendeur ne saurait (…) justifier d'aucun intérêt légitime sur le nom de domaine « soprafrance.eu » ».
C. Le nom de domaine a été enregistré ou est utilisé de mauvaise foi
(Article 21 1. b) du Règlement (CE) n°874/2004 et Article B 1.(b) (10) (i) C. des Règles ADR)
La société SOPRA GROUP soutient ce qui suit, en renvoyant à diverses pièces qu’elle a produites devant le Tribunal :
« Aux termes de l'Article 21 3. du Règlement (CE) n°874/2004: "La mauvaise foi au sens du paragraphe 1, point b), peut être démontrée quand: […] c) le nom de domaine est enregistré dans le but essentiel de perturber les activités professionnelles d'un concurrent; d) le nom de domaine a été utilisé intentionnellement pour attirer, à des fins lucratives, des utilisateurs de l'internet vers le site internet ou un autre espace en ligne du titulaire du nom de domaine, en créant une confusion avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire ou un nom d'organisme public, cette probabilité de confusion concernant la source, le sponsoring, l'affiliation ou l'approbation du site internet ou de l'autre espace en ligne du preneur ou d'un produit ou service qui y est proposé. […]".
Comme indiqué ci-avant, le Défendeur utilise ainsi les adresses email « info@soprafrance.eu » et « commercial@soprafrance.eu », de manière récurrente, dans le but d'ouvrir des comptes auprès des fournisseurs du Requérant.
Une plainte pénale sera d'ailleurs déposée par Sopra Group à cet égard.
Le Défendeur reproduit un schéma destiné à faire croire que ces emails émanent effectivement de Sopra Group.
Ces emails, envoyés via une adresse email quasi-identique à celles du Requérant, se présentent comme émanant du Requérant, et ce, d'autant plus que la signature de l'expéditeur mentionne l'adresse du Requérant (3 rue [xx xxx xxxxxx, 74xxx Xxxxxx xx Xxxxx). Néanmoins, l'on peut constater que les numéros de téléphone indiqués en signature des emails commencent par "01", indicatif de la région Ile-de-France et non à la région d’ Xxxxxx xx Xxxxx ("04").
De plus, dans la mesure où le site internet « www.soprafrance.eu » apparaît pour l'internaute non averti comme un site du Requérant, par le biais du "framing", le destinataire de ces emails est amené à croire que ces emails proviennent effectivement du Requérant.
De surcroit, ces pratiques sont récurrentes, et ce, par le biais de divers noms de domaine.
En effet, le Requérant a précédemment subi une tentative de fraude identique via le nom de domaine « sopragroupe.fr ».
On constatera ainsi que l'email reçu de l'adresse « info@sopragroupe.fr » est quasiment identique à ceux reçus de l'adresse email « info@soprafrance.eu ».
Le corps du message est identique et les numéros de téléphone sont également des numéros de la région Ile-de-France, très similaires (commençant tous deux par [les mêmes six premiers chiffres]).
L'AFNIC dans sa décision SYRELI statuant sur la demande FR-2012-00048 à l'encontre du nom de domaine « sopragroupe.fr » a d'ailleurs reconnu, pour ces mêmes pratiques, la mauvaise foi du titulaire du nom de domaine.
Ces éléments cumulés démontrent donc une réelle intention de tromperie en usurpant l'identité du Requérant ».
Le requérant demande donc au Tribunal de juger que « les circonstances montrent que le nom de domaine « soprafrance.eu » a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi ».
Le requérant ajoute que « le Tribunal ne pourra donc que constater que l'enregistrement du nom de domaine « soprafrance.eu » est abusif » et demande qu’en soit ordonné le transfert au profit du Requérant, attestant de son éligibilité au regard de l’article 4.2 b) du Règlement 733/2002/CE.
B. Partie Défendante
Le défendeur n’a pas répondu avant le délai qui lui avait été indiqué ni même tenté de le faire ensuite, pas plus qu’il n’a contesté la notification par écrit auprès du Tribunal d´Arbitrage de la République Tchèque dans un délai de cinq jours suivant la réception de celle-ci, conformément à l'article B.3 (g) des Règles ADR.
En application de l’article B.10 des Règles ADR, le Tribunal peut considérer le non-respect du délai par le défendeur comme valant acceptation des prétentions du demandeur.
En application de l’article B.10 des Règles ADR, le Tribunal peut considérer le non-respect du délai par le défendeur comme valant acceptation des prétentions du demandeur.
Débats et constatations
Au regard des prétentions respectives des parties, il appartient au Tribunal de vérifier si les conditions des articles 21 et 22 du Règlement 874/2004/CE sont réunies en vue d’apprécier si le nom de domaine « soprafrance.eu » a été enregistré de manière spéculative ou abusive et peut faire l’objet d’un transfert au plaignant comme ce dernier l’a demandé.
*** 1. Le nom de domaine enregistré par le défendeur est-il identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire ?
Le requérant apporte la preuve de droits qu’il détient sur deux marques communautaires SOPRA, la seconde ayant été déposée en 2010.
Le requérant soutient d’abord que « le nom de domaine contesté « soprafrance.eu » reproduit à l’identique la marque SOPRA », puis que ce nom « est similaire au point de prêter à confusion » avec ses marques.
Cela laisse quelque peu perplexe le Tribunal, le nom litigieux ne pouvant à la fois être identique ET similaire avec les signes visés par le requérant dans sa demande et sur lesquels il a des droits.
Il a été jugé par la Cour de Justice (arrêt C-291/00 du 20 mars 2003, LTJ Diffusion SA / Sadas Vertbaudet SA) qu’ « un signe est identique à [une] marque lorsqu’il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux d’un consommateur moyen ». Au regard de ces critères jurisprudentiels, le nom de domaine « soprafrance.eu » ne peut être jugé comme identique à l’une des marques SOPRA du requérant.
S’agissant de l’appréciation du risque de confusion en matière de marques, la Cour de Justice a estimé, sur le fondement de l’article 5.1 b) de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, « qu’un risque de confusion peut exister dans l’esprit du public, en cas d’identité des produits ou des services », lorsqu’une marque enregistrée dotée d’un pouvoir distinctif normal est juxtaposée à un autre terme pour former le signe contesté « et que celle-ci, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome ».
Cette appréciation peut, mutatis mutandis, être exploitée dans le présent contentieux opposant le titulaire d’un droit de marque et le titulaire d’un nom de domaine.
Ainsi qu’on le verra plus loin, les signes respectifs du requérant et du défendeur sont utilisés pour des services rigoureusement identiques. L’adjonction du terme « France » à la marque SOPRA du requérant pour former le nom de domaine litigieux « soprafrance.eu » ne fait pas perdre à cette marque une position distinctive autonome, d’autant que ce terme n’a « pas de caractère distinctif particulier » ainsi que le soutient le requérant (en revanche, le Tribunal ne souscrit pas à l’argument selon lequel « [le défendeur] laisse entendre que le site correspondant au nom de domaine est celui de l'entité française du groupe », le requérant n’ayant pas indiqué ou établi s’il appartenait à un « groupe » dont il formerait « l’entité française »).
Le Tribunal conclut donc que le le nom de domaine enregistré par le défendeur est susceptible d’être confondu avec au moins une marque communautaire du requérant sur laquelle un droit est reconnu.
La première condition d’application de l’article 21 du Règlement 874/2004/CE étant remplie, il appartient maintenant au Tribunal d’apprécier si ce nom de domaine « a été enregistré sans que son titulaire ait un droit ou intérêt légitime à faire valoir sur ce nom » OU « a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi ». Ces critères ne sont pas cumulatifs ; néanmoins, le requérant a soutenu que chacun d’eux était rempli, invitant le Tribunal à les apprécier tous deux.
*** 2. Le nom de domaine a-t-il été enregistré sans que son titulaire ait un droit ou intérêt légitime à faire valoir sur ce nom ?
Le titulaire du nom de domaine a-t-il un droit à faire valoir sur le nom « soprafrance.eu » ? Par la production des résultats d’une recherche sur l’ensemble des marques françaises, communautaires ou internationales que le défendeur détient, le requérant établit que le défendeur n’a pas de droit de marque sur un signe qui serait identique ou proche du nom de domaine litigieux.
Il convient néanmoins d’observer qu’au sens de l’article 10 du Règlement 874/2004/CE, les droits envisagés par le texte en application duquel est appréciée la présente espèce ne se limitent pas aux droits de marque, et que la preuve n'est donc pas apportée que le défendeur n'a aucun droit relativement à « soprafrance.eu ».
Cela étant, il ne peut qu'être observé que le défendeur, défaillant, ne fait pas état d’un quelconque droit qu’il pourrait faire valoir sur le nom litigieux.
Le titulaire du nom de domaine a-t-il un intérêt légitime à faire valoir sur le nom « soprafrance.eu » ? L’article 21.2 du Règlement 874/2004 indique, de manière non exhaustive, comment un tel intérêt légitime peut être démontré par le titulaire. Procédant par une lecture a contrario des trois dispositions alternatives de l’article 21.2, le requérant soutient que le défendeur ne peut justifier d’un tel intérêt.
La carence du défendeur à apporter un commencement de preuve d’un intérêt légitime amène le Tribunal à douter que cet intérêt légitime existe en l’espèce. Cela étant, les arguments mobilisés par le demandeur lui paraissent moins à même de conclure à l’absence d’intérêt légitime qu’à la mauvaise foi du défendeur, sur laquelle il va maintenant se pencher.
*** 3. Le nom de domaine a-t-il été enregistré ou utilisé de mauvaise foi ?
Le nom de domaine a-t-il été enregistré de mauvaise foi ? Afin de pouvoir apprécier si c'est le cas, il convient de se placer à la date de l’enregistrement du nom de domaine, ce qui est très délicat. Il a d’ailleurs été écrit fort justement qu’« il est extrêmement difficile de constater, sauf dans les cas où c’est flagrant, la mauvaise foi d’un déposant de nom de domaine » (P.-Y. Gautier, Commerce électronique et propriétés intellectuelles, Litec / IRPI, 2001, p. 159). C’est au regard de l’utilisation du nom de domaine litigieux que le Tribunal examinera si la condition de l’article 21.1 a) est remplie, d’autant que les éléments de fait fournis par le requérant se rapportent tous à l’usage fait de ce nom.
Le requérant produit deux messages électroniques envoyés depuis l’adresse « info@soprafrance.eu » et un autre envoyé depuis l’adresse « commercial@soprafrance.eu ». Le tribunal ne tiendra pas compte du quatrième e-mail produit, dont la reproduction est tronquée et ne laisse voir qu’un e-mail « commercial@soprafrance.fr », soit une adresse rattachée à un domaine distinct de celui faisant l’objet du présent litige.
Ces messages – dont le requérant n’explique pas comment il en a eu connaissance (plutôt que de devoir présumer que leurs destinataires les ont licitement fait suivre au requérant, le Tribunal aurait préféré que ce dernier l’indique, et de manière claire) – contiennent diverses demandes d’ordre commercial. Deux d’entre eux sont signés de personnes portant des noms de famille très courants, au point qu’il est possible de se demander s’il s’agit de personnes réelles ou fictives. Les signatures sont suivies, ainsi que le fait remarquer le requérant, d’un numéro de téléphone distinct de son numéro de téléphone commercial, alors pourtant qu’est reprise l’adresse exacte du siège social du requérant.
Il ressort assez nettement de ces pièces que le nom de domaine était ainsi utilisé, dans des relations d’affaires, afin de se faire passer pour le requérant. Le destinataire d’un message tel que ceux décrits précédemment qui aurait voulu vérifier qu’il émane bien de SOPRA GROUP, en saisissant dans son navigateur le nom de domaine auquel se rattache l’adresse mail utilisée, n’aurait pu se rendre compte de la supercherie, ce nom de domaine redirigeant de manière transparente vers le site officiel du requérant (au moyen de la technique du framing ainsi que l’indique le requérant, qui a pu l’observer par une inspection des codes source, manipulation qui n’est pas connue de l’internaute moyen).
Dans le contexte de l’espèce, la création à des fins frauduleuses de deux adresses e-mail à partir du nom de domaine litigieux et leur utilisation à ces mêmes fins peuvent être qualifiées, au regard de l’article 21.2 du Règlement 874/2004/CE, d’utilisation de mauvaise foi de ce nom de domaine (sans relever spécifiquement de l’un des cas prévus à l’article 21.3, lequel n’est pas exhaustif).
Le Tribunal n’est donc pas en mesure de juger si le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi, mais estime qu’il a effectivement été utilisé de mauvaise foi.
Les conditions de l’article 21 du Règlement 874/2004/CE étant réunies, le nom de domaine peut être révoqué. Le requérant en demandant l’enregistrement en vertu de l’article 22.11 du même texte, il convient de vérifier si SOPRA GROUP satisfait aux critères généraux d'éligibilité prévus à l'article 4.2 b) du Règlement 733/2002/CE.
*** 4. Le requérant peut-il demander l’enregistrement du nom de domaine litigieux ?
Le requérant atteste de ce qu’il est une entreprise ayant son siège statutaire, son administration centrale ou son lieu d'établissement principal dans l’Union au sens du point i) de l’article 4.2. b) du Règlement 733/2002/CE. A ce titre, il est en droit d'enregistrer le nom de domaine révoqué en application combinée des articles 21 et 22 du Règlement 874/2004/CE.
Pour l'ensemble des raisons qui précèdent, le Tribunal décide donc de transférer le nom de domaine « soprafrance.eu » au requérant.
*** 1. Le nom de domaine enregistré par le défendeur est-il identique ou susceptible d’être confondu avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire ?
Le requérant apporte la preuve de droits qu’il détient sur deux marques communautaires SOPRA, la seconde ayant été déposée en 2010.
Le requérant soutient d’abord que « le nom de domaine contesté « soprafrance.eu » reproduit à l’identique la marque SOPRA », puis que ce nom « est similaire au point de prêter à confusion » avec ses marques.
Cela laisse quelque peu perplexe le Tribunal, le nom litigieux ne pouvant à la fois être identique ET similaire avec les signes visés par le requérant dans sa demande et sur lesquels il a des droits.
Il a été jugé par la Cour de Justice (arrêt C-291/00 du 20 mars 2003, LTJ Diffusion SA / Sadas Vertbaudet SA) qu’ « un signe est identique à [une] marque lorsqu’il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux d’un consommateur moyen ». Au regard de ces critères jurisprudentiels, le nom de domaine « soprafrance.eu » ne peut être jugé comme identique à l’une des marques SOPRA du requérant.
S’agissant de l’appréciation du risque de confusion en matière de marques, la Cour de Justice a estimé, sur le fondement de l’article 5.1 b) de la première directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, « qu’un risque de confusion peut exister dans l’esprit du public, en cas d’identité des produits ou des services », lorsqu’une marque enregistrée dotée d’un pouvoir distinctif normal est juxtaposée à un autre terme pour former le signe contesté « et que celle-ci, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome ».
Cette appréciation peut, mutatis mutandis, être exploitée dans le présent contentieux opposant le titulaire d’un droit de marque et le titulaire d’un nom de domaine.
Ainsi qu’on le verra plus loin, les signes respectifs du requérant et du défendeur sont utilisés pour des services rigoureusement identiques. L’adjonction du terme « France » à la marque SOPRA du requérant pour former le nom de domaine litigieux « soprafrance.eu » ne fait pas perdre à cette marque une position distinctive autonome, d’autant que ce terme n’a « pas de caractère distinctif particulier » ainsi que le soutient le requérant (en revanche, le Tribunal ne souscrit pas à l’argument selon lequel « [le défendeur] laisse entendre que le site correspondant au nom de domaine est celui de l'entité française du groupe », le requérant n’ayant pas indiqué ou établi s’il appartenait à un « groupe » dont il formerait « l’entité française »).
Le Tribunal conclut donc que le le nom de domaine enregistré par le défendeur est susceptible d’être confondu avec au moins une marque communautaire du requérant sur laquelle un droit est reconnu.
La première condition d’application de l’article 21 du Règlement 874/2004/CE étant remplie, il appartient maintenant au Tribunal d’apprécier si ce nom de domaine « a été enregistré sans que son titulaire ait un droit ou intérêt légitime à faire valoir sur ce nom » OU « a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi ». Ces critères ne sont pas cumulatifs ; néanmoins, le requérant a soutenu que chacun d’eux était rempli, invitant le Tribunal à les apprécier tous deux.
*** 2. Le nom de domaine a-t-il été enregistré sans que son titulaire ait un droit ou intérêt légitime à faire valoir sur ce nom ?
Le titulaire du nom de domaine a-t-il un droit à faire valoir sur le nom « soprafrance.eu » ? Par la production des résultats d’une recherche sur l’ensemble des marques françaises, communautaires ou internationales que le défendeur détient, le requérant établit que le défendeur n’a pas de droit de marque sur un signe qui serait identique ou proche du nom de domaine litigieux.
Il convient néanmoins d’observer qu’au sens de l’article 10 du Règlement 874/2004/CE, les droits envisagés par le texte en application duquel est appréciée la présente espèce ne se limitent pas aux droits de marque, et que la preuve n'est donc pas apportée que le défendeur n'a aucun droit relativement à « soprafrance.eu ».
Cela étant, il ne peut qu'être observé que le défendeur, défaillant, ne fait pas état d’un quelconque droit qu’il pourrait faire valoir sur le nom litigieux.
Le titulaire du nom de domaine a-t-il un intérêt légitime à faire valoir sur le nom « soprafrance.eu » ? L’article 21.2 du Règlement 874/2004 indique, de manière non exhaustive, comment un tel intérêt légitime peut être démontré par le titulaire. Procédant par une lecture a contrario des trois dispositions alternatives de l’article 21.2, le requérant soutient que le défendeur ne peut justifier d’un tel intérêt.
La carence du défendeur à apporter un commencement de preuve d’un intérêt légitime amène le Tribunal à douter que cet intérêt légitime existe en l’espèce. Cela étant, les arguments mobilisés par le demandeur lui paraissent moins à même de conclure à l’absence d’intérêt légitime qu’à la mauvaise foi du défendeur, sur laquelle il va maintenant se pencher.
*** 3. Le nom de domaine a-t-il été enregistré ou utilisé de mauvaise foi ?
Le nom de domaine a-t-il été enregistré de mauvaise foi ? Afin de pouvoir apprécier si c'est le cas, il convient de se placer à la date de l’enregistrement du nom de domaine, ce qui est très délicat. Il a d’ailleurs été écrit fort justement qu’« il est extrêmement difficile de constater, sauf dans les cas où c’est flagrant, la mauvaise foi d’un déposant de nom de domaine » (P.-Y. Gautier, Commerce électronique et propriétés intellectuelles, Litec / IRPI, 2001, p. 159). C’est au regard de l’utilisation du nom de domaine litigieux que le Tribunal examinera si la condition de l’article 21.1 a) est remplie, d’autant que les éléments de fait fournis par le requérant se rapportent tous à l’usage fait de ce nom.
Le requérant produit deux messages électroniques envoyés depuis l’adresse « info@soprafrance.eu » et un autre envoyé depuis l’adresse « commercial@soprafrance.eu ». Le tribunal ne tiendra pas compte du quatrième e-mail produit, dont la reproduction est tronquée et ne laisse voir qu’un e-mail « commercial@soprafrance.fr », soit une adresse rattachée à un domaine distinct de celui faisant l’objet du présent litige.
Ces messages – dont le requérant n’explique pas comment il en a eu connaissance (plutôt que de devoir présumer que leurs destinataires les ont licitement fait suivre au requérant, le Tribunal aurait préféré que ce dernier l’indique, et de manière claire) – contiennent diverses demandes d’ordre commercial. Deux d’entre eux sont signés de personnes portant des noms de famille très courants, au point qu’il est possible de se demander s’il s’agit de personnes réelles ou fictives. Les signatures sont suivies, ainsi que le fait remarquer le requérant, d’un numéro de téléphone distinct de son numéro de téléphone commercial, alors pourtant qu’est reprise l’adresse exacte du siège social du requérant.
Il ressort assez nettement de ces pièces que le nom de domaine était ainsi utilisé, dans des relations d’affaires, afin de se faire passer pour le requérant. Le destinataire d’un message tel que ceux décrits précédemment qui aurait voulu vérifier qu’il émane bien de SOPRA GROUP, en saisissant dans son navigateur le nom de domaine auquel se rattache l’adresse mail utilisée, n’aurait pu se rendre compte de la supercherie, ce nom de domaine redirigeant de manière transparente vers le site officiel du requérant (au moyen de la technique du framing ainsi que l’indique le requérant, qui a pu l’observer par une inspection des codes source, manipulation qui n’est pas connue de l’internaute moyen).
Dans le contexte de l’espèce, la création à des fins frauduleuses de deux adresses e-mail à partir du nom de domaine litigieux et leur utilisation à ces mêmes fins peuvent être qualifiées, au regard de l’article 21.2 du Règlement 874/2004/CE, d’utilisation de mauvaise foi de ce nom de domaine (sans relever spécifiquement de l’un des cas prévus à l’article 21.3, lequel n’est pas exhaustif).
Le Tribunal n’est donc pas en mesure de juger si le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi, mais estime qu’il a effectivement été utilisé de mauvaise foi.
Les conditions de l’article 21 du Règlement 874/2004/CE étant réunies, le nom de domaine peut être révoqué. Le requérant en demandant l’enregistrement en vertu de l’article 22.11 du même texte, il convient de vérifier si SOPRA GROUP satisfait aux critères généraux d'éligibilité prévus à l'article 4.2 b) du Règlement 733/2002/CE.
*** 4. Le requérant peut-il demander l’enregistrement du nom de domaine litigieux ?
Le requérant atteste de ce qu’il est une entreprise ayant son siège statutaire, son administration centrale ou son lieu d'établissement principal dans l’Union au sens du point i) de l’article 4.2. b) du Règlement 733/2002/CE. A ce titre, il est en droit d'enregistrer le nom de domaine révoqué en application combinée des articles 21 et 22 du Règlement 874/2004/CE.
Pour l'ensemble des raisons qui précèdent, le Tribunal décide donc de transférer le nom de domaine « soprafrance.eu » au requérant.
Decision
Pour les raisons indiquées ci-dessus, conformément à l'article B. 12 (b) et (c) des Règles ADR, le Tribunal a décidé de transférer le nom de domaine SOPRAFRANCE à la Partie Requérante.
PANELISTS
Name | Cedric Manara |
---|
Date de la sentence arbitrale
2012-11-01