Case number | CAC-ADREU-005039 |
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Time of filing | 2008-05-05 09:55:01 |
Domain names | jibbitz.eu |
Case administrator
Name | Tereza Bartošková |
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Complainant
Organization / Name | Crocs Europe B.V., Mr. Trevin David |
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Respondent
Organization / Name | David Elkoubi |
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Situation de fait
La demanderesse, la société Crocs Europe B.V, participe à la commercialisation, la distribution et à la vente des produits Jibbitz conformément à la licence exclusive que lui a concédée Jibbitz LLC.
Selon les informations fournies par la Demanderesse, Jibbitz LLC a été créée en 2005 suite à l’idée qu’a eu une utilisatrice de chaussures Crocs de les décorer et de développer des accessoires qui s’adaptent sur les trous de ces chaussures. Jibbitz provient du surnom «Flibberty-Jibbit» de cette utilisatrice.
D’après la Demanderesse, Jibbitz LLC est aujourd’hui détenue à 100% par Crocs, INC. localisée aux États-Unis.
Jibbitz LLC est titulaire des enregistrements des marques communautaires suivants :
- JIBBITZ marque dénominative n°000 900 654 déposée le 9 novembre 2006 (sous priorité du 17 octobre 2006) ;
- JIBBITZ marque figurative n°000 901 949 déposée le 23 novembre 2006 (sous priorité du 17 octobre 2006).
Un pouvoir autorise la Demanderesse à représenter les intérêts de Jibbitz LLC dans la présente affaire.
Le Défendeur a réservé le nom de domaine <jibbitz.eu> le 6 juin 2007. Il pointe vers une page inactive, d’après la copie du pointage fournie par la Demanderesse dans sa plainte.
La Demanderesse déclare être entrée en contact avec le Défendeur, mais ce dernier a refusé de transférer le nom gratuitement ou en échange d’une somme raisonnable. La Demanderesse n’a fourni dans sa plainte aucun document relatif à ses échanges avec le Défendeur.
Selon les informations fournies par la Demanderesse, Jibbitz LLC a été créée en 2005 suite à l’idée qu’a eu une utilisatrice de chaussures Crocs de les décorer et de développer des accessoires qui s’adaptent sur les trous de ces chaussures. Jibbitz provient du surnom «Flibberty-Jibbit» de cette utilisatrice.
D’après la Demanderesse, Jibbitz LLC est aujourd’hui détenue à 100% par Crocs, INC. localisée aux États-Unis.
Jibbitz LLC est titulaire des enregistrements des marques communautaires suivants :
- JIBBITZ marque dénominative n°000 900 654 déposée le 9 novembre 2006 (sous priorité du 17 octobre 2006) ;
- JIBBITZ marque figurative n°000 901 949 déposée le 23 novembre 2006 (sous priorité du 17 octobre 2006).
Un pouvoir autorise la Demanderesse à représenter les intérêts de Jibbitz LLC dans la présente affaire.
Le Défendeur a réservé le nom de domaine <jibbitz.eu> le 6 juin 2007. Il pointe vers une page inactive, d’après la copie du pointage fournie par la Demanderesse dans sa plainte.
La Demanderesse déclare être entrée en contact avec le Défendeur, mais ce dernier a refusé de transférer le nom gratuitement ou en échange d’une somme raisonnable. La Demanderesse n’a fourni dans sa plainte aucun document relatif à ses échanges avec le Défendeur.
A. Partie Requérante
La Demanderesse indique tout d’abord que le déposant ne remplit pas les critères d’éligibilité de l’article 4, section 2 (b) du règlement communautaire 733/2002. Elle base cette alégation sur deux faits distincts :
- la société Jibbitz France n’a pas d’existence légale. Dès lors, le nom de domaine n’a pas été enregistré par une entreprise ayant « son siège statutaire, son administration centrale ou son lieu d’établissement principal dans la Communauté » ainsi que le prévoit le règlement communautaire ;
- le déposant serait de nationalité suisse.
La Demanderesse indique ensuite que le nom de domaine objet du litige reproduit la marque JIBBITZ appartenant à Jibbitz LLC. Cette reproduction entraîne, selon la Demanderesse, un risque de confusion avec cette marque.
La Demanderesse déclare ensuite que Défendeur n’a ni droit, ni intérêt légitime sur le nom de domaine. Parmi les arguments développés par la Demanderesse, il est indiqué que le Défendeur n’est ni propriétaire ni bénéficiaire d’une licence sur les marques communautaires JIBBITZ et ne dispose pas non plus d’un droit d’utiliser ou d’enregistrer des marques identiques ou similaires à ces enregistrements de marques communautaires.
Enfin, la Demanderesse invoque la mauvaise foi du Défendeur lors de l’enregistrement du nom, en se basant notamment sur le fait que le Défendeur aurait trompé son unité d’enregistrement dans la mesure où il serait de nationalité suisse et n’est pas admis à enregistrer un nom de domaine en <.eu>.
- la société Jibbitz France n’a pas d’existence légale. Dès lors, le nom de domaine n’a pas été enregistré par une entreprise ayant « son siège statutaire, son administration centrale ou son lieu d’établissement principal dans la Communauté » ainsi que le prévoit le règlement communautaire ;
- le déposant serait de nationalité suisse.
La Demanderesse indique ensuite que le nom de domaine objet du litige reproduit la marque JIBBITZ appartenant à Jibbitz LLC. Cette reproduction entraîne, selon la Demanderesse, un risque de confusion avec cette marque.
La Demanderesse déclare ensuite que Défendeur n’a ni droit, ni intérêt légitime sur le nom de domaine. Parmi les arguments développés par la Demanderesse, il est indiqué que le Défendeur n’est ni propriétaire ni bénéficiaire d’une licence sur les marques communautaires JIBBITZ et ne dispose pas non plus d’un droit d’utiliser ou d’enregistrer des marques identiques ou similaires à ces enregistrements de marques communautaires.
Enfin, la Demanderesse invoque la mauvaise foi du Défendeur lors de l’enregistrement du nom, en se basant notamment sur le fait que le Défendeur aurait trompé son unité d’enregistrement dans la mesure où il serait de nationalité suisse et n’est pas admis à enregistrer un nom de domaine en <.eu>.
B. Partie Défendante
Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre et est en conséquence défaillant.
Débats et constatations
En vertu de l’article 21§1 du Règlement (CE) n°874/2004 de la Commission du 28 avril 2004, « un nom de domaine est révoqué, dans le cadre d'une procédure extrajudiciaire ou judiciaire appropriée, quand un nom de domaine enregistré est identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire, tel que les droits mentionnés à l'article 10, paragraphe 1, et que ce nom de domaine:
a) a été enregistré sans que son titulaire ait un droit ou intérêt légitime à faire valoir sur ce nom, ou
b) a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi. »
1) Nom de domaine enregistré identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire
Avant d’envisager la question de savoir si le nom de domaine <jibbitz.eu> est identique ou susceptible d'être confondu avec les marques invoquées par la Demanderesse dans sa plainte, l’Arbitre doit déterminer si elle peut invoquer des marques dont elle n’est pas titulaire.
En effet, le titulaire des marques est la société Jibbitz LLC localisée aux Etats-Unis et non la société Crocs Europe B.V., localisée aux Pays-Bas.
La demanderesse, Crocs Europe B.V., bénéficie d’une licence exclusive de la part de la société Jibbitz LLC. Cette licence, annexée à la plainte, inclut les marques citées ci-dessus.
L’Arbitre note que la Demanderesse n’a pas indiqué dans sa plainte si la licence avait été inscrite au registre des marques communautaires, conformément à l’article 23 du Règlement sur la Marque Communautaire (ci après « RMC »). Cette éventuelle absence d’inscription a pour conséquence que la licence pourrait être inopposable aux tiers.
En effet, le RMC impose une inscription des contrats de licence de marques communautaires pour que ces contrats soient opposables aux tiers. Toutefois, la licence reste valable entre les parties au contrat même si elle n’est pas inscrite. En outre, l’Arbitre constate que des décisions antérieures n’ont pas exigé que les contrats de licences de marques communautaires soient inscrits au registre des marques communautaires, conformément à l’article 23 du RMC (Décision n°04337, Enterprise Rent-a-Car UK limited c/Mary Zeng, <enterprisecarrental.eu> ; décision n°04872, Mars UK c/UK Domain Developers, Ltd, <greenies.eu>).
Dans la mesure où le Règlement (CE) n°874/2004 de la de la Commission du 28 avril 2004 ne contient rien au sujet de l’inscription des contrats de licences de marques, l’Arbitre retient que la Demanderesse a fourni des preuves suffisantes de l’existence d’une licence et qu’elle a donc un droit sur les marques communautaires dont est titulaire Jibbitz LLC, conformément aux dispositions du RMC.
Les marques JIBBITZ dont les copies sont produites dans la plainte sont intégralement reproduites dans le nom de domaine <jibbitz.eu>. Il est en outre de jurisprudence constante, comme l’indique la Demanderesse, que l’extension <.eu> ne doit pas être prise en compte dans la comparaison du nom de domaine et des marques citées dans la plainte.
Les marques ont en outre été déposées et enregistrées avant la date de réservation du nom <jibbitz.eu>.
L’Arbitre conclut donc que la Demanderesse a apporté la preuve que le nom de domaine <jibbitz.eu> enregistré est identique aux marques communautaires JIBBITZ citées dans la plainte.
2) Nom de domaine enregistré sans que son titulaire ait un droit ou intérêt légitime à faire valoir sur ce nom
En vertu de l’article 21§2 du Règlement (CE) n°874/2004 de la de la Commission du 28 avril 2004, « l'existence d'un intérêt légitime au sens du paragraphe 1, point a), peut être démontré quand:
a) avant tout avis de procédure de règlement extrajudiciaire des litiges, le titulaire d'un nom de domaine a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine dans le cadre d'une offre de biens ou de services ou qu'il peut démontrer s'y être préparé;
b) le titulaire d'un nom de domaine est une entreprise, une organisation ou une personne physique généralement connue sous ce nom de domaine, même en l'absence de droits reconnus ou établis par le droit national et/ou communautaire;
c) le titulaire d'un nom de domaine fait un usage légitime et non commercial ou correct du nom de domaine, sans intention de tromper les consommateurs ou de nuire à la réputation d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire. »
L’Arbitre constate que la fiche whois jointe à la plainte fait mention d’une organisation « Jibbitz France ». Celle-ci serait localisée à Cannes.
La demanderesse indique que des recherches complémentaires ont révélé que l’organisation ou société « Jibbitz France » n’existait pas. Elle apporte comme preuve, en annexe 12, un document qui serait une copie d’un extrait de la base de données en ligne Infogreffe, base de données officielle du Registre du Commerce français.
L’Arbitre ne peut que constater que cette copie en elle-même n’est pas suffisante pour démontrer que la société Jibbitz France n’existe pas et que le Défendeur n’a donc pas d’intérêt légitime ou de droit justifiant la réservation. En outre, il n’est pas indiqué sur la copie qu’elle provient d’Infogreffe.
Toutefois, le Défendeur n’a pas pris soin d’apporter la preuve par exemple qu’il est connu sous le nom de domaine litigieux ou du fait que le nom de domaine fait l’objet d’un usage légitime et non commercial ou correct, sans intention de tromper les consommateurs ou de nuire à la réputation de la Demanderesse. L’inactivité du nom exprime par ailleurs une absence de volonté de l’exploiter de telle manière que l’exploitation elle-même aurait pu permettre à l’Arbitre de se passer d’une absence de réponse du Défendeur.
En outre, conformément aux déclarations de la Demanderesse, le Défendeur n’est ni propriétaire ni bénéficiaire d’une licence des marques communautaires JIBBITZ et ne dispose pas non plus d’un droit d’utiliser et/ou d’enregistrer des marques identiques ou similaires à ces marques.
L’absence de réponse du réservataire contraint l’Arbitre à prendre sa décision sur la base des faits et des arguments apportés et développés par la Demanderesse.
Même si les éléments de preuve relatifs à l’inexistence de l’organisation ou de la société « Jibbitz France » sont insuffisants, l’Arbitre ne peut que constater que le Défendeur n’a pas de droits ou d’intérêts légitimes justifiant la réservation du nom de domaine objet du présent litige.
3) Le nom a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi
En vertu de l’article 21§3 du Règlement (CE) n°874/2004 de la de la Commission du 28 avril 2004, « la mauvaise foi au sens du paragraphe 1, point b), peut être démontrée quand:
a) les circonstances montrent que le nom de domaine a été enregistré ou acquis principalement pour vendre, louer ou transférer d'une autre façon le nom de domaine au titulaire d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire, ou à un organisme public, ou
b) le nom de domaine a été enregistré pour empêcher le titulaire d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire, ou un organisme public, de traduire ce nom en un nom de domaine correspondant, pour autant que:
i) ce type de comportement puisse être prouvé dans la personne du demandeur d'enregistrement;
ii) le nom de domaine n'ait pas été utilisé d'une façon pertinente dans les deux années au moins qui suivent la date d'enregistrement;
iii) au moment où une procédure de règlement extrajudiciaire d'un litige a été engagée, le titulaire d'un nom de domaine sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire, ou le titulaire d'un nom de domaine d'un organisme public, ait déclaré son intention d'utiliser le nom de domaine d'une façon pertinente mais sans le faire dans les six mois qui suivent l'ouverture de la procédure de règlement extrajudiciaire;
c) le nom de domaine est enregistré dans le but essentiel de perturber les activités professionnelles d'un concurrent;
d) le nom de domaine a été utilisé intentionnellement pour attirer, à des fins lucratives, des utilisateurs de l'internet vers le site internet ou un autre espace en ligne du titulaire du nom de domaine, en créant une confusion avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire ou un nom d'organisme public, cette probabilité de confusion concernant la source, le sponsoring, l'affiliation ou l'approbation du site internet ou de l'autre espace en ligne du preneur ou d'un produit ou service qui y est proposé, ou
e) le nom de domaine enregistré est un nom de personne pour lequel aucun lien ne peut être démontré entre le titulaire du nom de domaine et le nom de domaine enregistré. »
L’Arbitre note que le nom n’a pas de signification en anglais et en français.
En outre, l’Arbitre constate que le Défendeur n’a pas fourni de raisons justifiant la nécessité ou l’intérêt à utiliser le terme « jibbitz ».
En conséquence, l’Arbitre conclut que le terme « jibbitz » contenu dans le nom de domaine objet du présent litige est probablement une référence à la marque JIBBITZ sur laquelle la Demanderesse dispose d’un droit de licence exclusive. Il est improbable que le Défendeur ait réservé ce nom totalement par hasard.
En outre, la Demanderesse déclare avoir contacté le Défendeur afin de lui demander le transfert du nom. Le Défendeur lui aurait répondu qu’il ne consentirait au transfert qu’en échange de la somme de 15 000 USD. Le Défendeur aurait aussi déclaré, selon la Demanderesse, avoir réservé plusieurs noms de domaine contenant le terme « jibbitz ». Ces éléments auraient pu être retenus par l’Arbitre dans son analyse d’un éventuel enregistrement de mauvaise foi. L’Arbitre regrette toutefois que la Demanderesse n’ait pas pris soin d’apporter la preuve de ses allégations. L’Arbitre ne peut donc pas s’appuyer sur ces faits pour conclure à l’éventualité d’un enregistrement de mauvaise foi.
Par ailleurs, la Demanderesse allègue que le Défendeur n’est pas de nationalité d’un pays de la Communauté, comme l’indique la fiche Whois jointe à sa plainte, mais qu’il serait de nationalité suisse. Il aurait ainsi trompé l’unité d’enregistrement, ce qui constitue un élément de preuve de sa mauvaise foi. Elle indique que le réservataire ne respecte donc pas les critères d'éligibilité généraux de l'article 4§2 b), du règlement (CE) n° 733/2002 qui imposent qu’une personne physique réservant un nom de domaine en <.eu> réside dans la Communauté. En conséquence, en vertu de l’article l’article 20 b) du Règlement (CE) n°874/2004, le nom pourrait être transféré à la Défenderesse. L’Arbitre constate sur ce point l’absence de preuve permettant de soutenir les allégations de la Demanderesse.
L’Arbitre ne se prononce pas sur la question de l’usage de mauvaise foi dans la mesure où ce motif n’est pas invoqué par la Demanderesse.
L’Arbitre estime toutefois disposer d’éléments lui permettant de conclure que le nom <jibbitz.eu> a été réservé de mauvaise foi.
4) Le transfert du nom au profit de la Demanderesse, licenciée exclusive
La Demanderesse est licenciée exclusive de la société titulaire des marques JIBBITZ.
Dans la mesure où elle n’est pas elle-même titulaire de ces marques, se pose alors la question de savoir si l’Arbitre peut prononcer le transfert du nom <jibbitz.eu> en sa faveur.
Le Règlement (CE) n°874/2004 de la de la Commission du 28 avril 2004 ne contient aucune disposition sur la possibilité pour un Arbitre de prononcer le transfert d’un nom en <.eu> au profit du demandeur licencié exclusif.
Le transfert d’un nom de domaine au profit du demandeur licencié exclusif a toutefois déjà été prononcé par un Arbitre (Décision n°04759, Cyworld Europe GmbH c/Kausani Enterprises Ltd, <cyworld.eu>).
Un autre Arbitre a prononcé le transfert au profit du demandeur licencié sans que le caractère exclusif ou non de la licence ne semble avoir été pris en compte (Décision n°04037, AOL UK, Mr Nity Raj c/World Online Endeavours Limited, <aolireland.eu>).
Enfin, un Arbitre a même prononcé le transfert du nom de domaine au profit d’un Demandeur n’ayant pas apporté la preuve d’un contrat de licence signé avec le titulaire des marques invoquées dans la plainte. L’Arbitre s’est en effet contenté de constater que le Demandeur devait être d’une manière ou d’une autre bénéficiaire d’un contrat écrit ou verbal s’apparentant à une licence avec la société mère titulaire des marques invoquées dans la plainte (Décision n°04337, Enterprise Rent-a-Car UK Limited c/Mary Zeng, <enterprisecarrental.eu>).
En ce qui concerne le présent litige, et compte tenu des décisions précitées, l’Arbitre considère que le contrat de licence exclusive invoqué par la Demanderesse prouve un droit sur les marques communautaires JIBBITZ n°000 900 654 et n°000 901 949, ce qui est en conformité avec l’article 21§1 du Règlement (CE) n°874/2004 de la de la Commission du 28 avril 2004 qui exige que le nom de domaine enregistré soit identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire.
La Demanderesse remplit donc les critères d'éligibilité généraux de l'article 4§2 b), du règlement (CE) n° 733/2002 pour que le nom lui soit transféré.
a) a été enregistré sans que son titulaire ait un droit ou intérêt légitime à faire valoir sur ce nom, ou
b) a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi. »
1) Nom de domaine enregistré identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire
Avant d’envisager la question de savoir si le nom de domaine <jibbitz.eu> est identique ou susceptible d'être confondu avec les marques invoquées par la Demanderesse dans sa plainte, l’Arbitre doit déterminer si elle peut invoquer des marques dont elle n’est pas titulaire.
En effet, le titulaire des marques est la société Jibbitz LLC localisée aux Etats-Unis et non la société Crocs Europe B.V., localisée aux Pays-Bas.
La demanderesse, Crocs Europe B.V., bénéficie d’une licence exclusive de la part de la société Jibbitz LLC. Cette licence, annexée à la plainte, inclut les marques citées ci-dessus.
L’Arbitre note que la Demanderesse n’a pas indiqué dans sa plainte si la licence avait été inscrite au registre des marques communautaires, conformément à l’article 23 du Règlement sur la Marque Communautaire (ci après « RMC »). Cette éventuelle absence d’inscription a pour conséquence que la licence pourrait être inopposable aux tiers.
En effet, le RMC impose une inscription des contrats de licence de marques communautaires pour que ces contrats soient opposables aux tiers. Toutefois, la licence reste valable entre les parties au contrat même si elle n’est pas inscrite. En outre, l’Arbitre constate que des décisions antérieures n’ont pas exigé que les contrats de licences de marques communautaires soient inscrits au registre des marques communautaires, conformément à l’article 23 du RMC (Décision n°04337, Enterprise Rent-a-Car UK limited c/Mary Zeng, <enterprisecarrental.eu> ; décision n°04872, Mars UK c/UK Domain Developers, Ltd, <greenies.eu>).
Dans la mesure où le Règlement (CE) n°874/2004 de la de la Commission du 28 avril 2004 ne contient rien au sujet de l’inscription des contrats de licences de marques, l’Arbitre retient que la Demanderesse a fourni des preuves suffisantes de l’existence d’une licence et qu’elle a donc un droit sur les marques communautaires dont est titulaire Jibbitz LLC, conformément aux dispositions du RMC.
Les marques JIBBITZ dont les copies sont produites dans la plainte sont intégralement reproduites dans le nom de domaine <jibbitz.eu>. Il est en outre de jurisprudence constante, comme l’indique la Demanderesse, que l’extension <.eu> ne doit pas être prise en compte dans la comparaison du nom de domaine et des marques citées dans la plainte.
Les marques ont en outre été déposées et enregistrées avant la date de réservation du nom <jibbitz.eu>.
L’Arbitre conclut donc que la Demanderesse a apporté la preuve que le nom de domaine <jibbitz.eu> enregistré est identique aux marques communautaires JIBBITZ citées dans la plainte.
2) Nom de domaine enregistré sans que son titulaire ait un droit ou intérêt légitime à faire valoir sur ce nom
En vertu de l’article 21§2 du Règlement (CE) n°874/2004 de la de la Commission du 28 avril 2004, « l'existence d'un intérêt légitime au sens du paragraphe 1, point a), peut être démontré quand:
a) avant tout avis de procédure de règlement extrajudiciaire des litiges, le titulaire d'un nom de domaine a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine dans le cadre d'une offre de biens ou de services ou qu'il peut démontrer s'y être préparé;
b) le titulaire d'un nom de domaine est une entreprise, une organisation ou une personne physique généralement connue sous ce nom de domaine, même en l'absence de droits reconnus ou établis par le droit national et/ou communautaire;
c) le titulaire d'un nom de domaine fait un usage légitime et non commercial ou correct du nom de domaine, sans intention de tromper les consommateurs ou de nuire à la réputation d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire. »
L’Arbitre constate que la fiche whois jointe à la plainte fait mention d’une organisation « Jibbitz France ». Celle-ci serait localisée à Cannes.
La demanderesse indique que des recherches complémentaires ont révélé que l’organisation ou société « Jibbitz France » n’existait pas. Elle apporte comme preuve, en annexe 12, un document qui serait une copie d’un extrait de la base de données en ligne Infogreffe, base de données officielle du Registre du Commerce français.
L’Arbitre ne peut que constater que cette copie en elle-même n’est pas suffisante pour démontrer que la société Jibbitz France n’existe pas et que le Défendeur n’a donc pas d’intérêt légitime ou de droit justifiant la réservation. En outre, il n’est pas indiqué sur la copie qu’elle provient d’Infogreffe.
Toutefois, le Défendeur n’a pas pris soin d’apporter la preuve par exemple qu’il est connu sous le nom de domaine litigieux ou du fait que le nom de domaine fait l’objet d’un usage légitime et non commercial ou correct, sans intention de tromper les consommateurs ou de nuire à la réputation de la Demanderesse. L’inactivité du nom exprime par ailleurs une absence de volonté de l’exploiter de telle manière que l’exploitation elle-même aurait pu permettre à l’Arbitre de se passer d’une absence de réponse du Défendeur.
En outre, conformément aux déclarations de la Demanderesse, le Défendeur n’est ni propriétaire ni bénéficiaire d’une licence des marques communautaires JIBBITZ et ne dispose pas non plus d’un droit d’utiliser et/ou d’enregistrer des marques identiques ou similaires à ces marques.
L’absence de réponse du réservataire contraint l’Arbitre à prendre sa décision sur la base des faits et des arguments apportés et développés par la Demanderesse.
Même si les éléments de preuve relatifs à l’inexistence de l’organisation ou de la société « Jibbitz France » sont insuffisants, l’Arbitre ne peut que constater que le Défendeur n’a pas de droits ou d’intérêts légitimes justifiant la réservation du nom de domaine objet du présent litige.
3) Le nom a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi
En vertu de l’article 21§3 du Règlement (CE) n°874/2004 de la de la Commission du 28 avril 2004, « la mauvaise foi au sens du paragraphe 1, point b), peut être démontrée quand:
a) les circonstances montrent que le nom de domaine a été enregistré ou acquis principalement pour vendre, louer ou transférer d'une autre façon le nom de domaine au titulaire d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire, ou à un organisme public, ou
b) le nom de domaine a été enregistré pour empêcher le titulaire d'un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire, ou un organisme public, de traduire ce nom en un nom de domaine correspondant, pour autant que:
i) ce type de comportement puisse être prouvé dans la personne du demandeur d'enregistrement;
ii) le nom de domaine n'ait pas été utilisé d'une façon pertinente dans les deux années au moins qui suivent la date d'enregistrement;
iii) au moment où une procédure de règlement extrajudiciaire d'un litige a été engagée, le titulaire d'un nom de domaine sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire, ou le titulaire d'un nom de domaine d'un organisme public, ait déclaré son intention d'utiliser le nom de domaine d'une façon pertinente mais sans le faire dans les six mois qui suivent l'ouverture de la procédure de règlement extrajudiciaire;
c) le nom de domaine est enregistré dans le but essentiel de perturber les activités professionnelles d'un concurrent;
d) le nom de domaine a été utilisé intentionnellement pour attirer, à des fins lucratives, des utilisateurs de l'internet vers le site internet ou un autre espace en ligne du titulaire du nom de domaine, en créant une confusion avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire ou un nom d'organisme public, cette probabilité de confusion concernant la source, le sponsoring, l'affiliation ou l'approbation du site internet ou de l'autre espace en ligne du preneur ou d'un produit ou service qui y est proposé, ou
e) le nom de domaine enregistré est un nom de personne pour lequel aucun lien ne peut être démontré entre le titulaire du nom de domaine et le nom de domaine enregistré. »
L’Arbitre note que le nom n’a pas de signification en anglais et en français.
En outre, l’Arbitre constate que le Défendeur n’a pas fourni de raisons justifiant la nécessité ou l’intérêt à utiliser le terme « jibbitz ».
En conséquence, l’Arbitre conclut que le terme « jibbitz » contenu dans le nom de domaine objet du présent litige est probablement une référence à la marque JIBBITZ sur laquelle la Demanderesse dispose d’un droit de licence exclusive. Il est improbable que le Défendeur ait réservé ce nom totalement par hasard.
En outre, la Demanderesse déclare avoir contacté le Défendeur afin de lui demander le transfert du nom. Le Défendeur lui aurait répondu qu’il ne consentirait au transfert qu’en échange de la somme de 15 000 USD. Le Défendeur aurait aussi déclaré, selon la Demanderesse, avoir réservé plusieurs noms de domaine contenant le terme « jibbitz ». Ces éléments auraient pu être retenus par l’Arbitre dans son analyse d’un éventuel enregistrement de mauvaise foi. L’Arbitre regrette toutefois que la Demanderesse n’ait pas pris soin d’apporter la preuve de ses allégations. L’Arbitre ne peut donc pas s’appuyer sur ces faits pour conclure à l’éventualité d’un enregistrement de mauvaise foi.
Par ailleurs, la Demanderesse allègue que le Défendeur n’est pas de nationalité d’un pays de la Communauté, comme l’indique la fiche Whois jointe à sa plainte, mais qu’il serait de nationalité suisse. Il aurait ainsi trompé l’unité d’enregistrement, ce qui constitue un élément de preuve de sa mauvaise foi. Elle indique que le réservataire ne respecte donc pas les critères d'éligibilité généraux de l'article 4§2 b), du règlement (CE) n° 733/2002 qui imposent qu’une personne physique réservant un nom de domaine en <.eu> réside dans la Communauté. En conséquence, en vertu de l’article l’article 20 b) du Règlement (CE) n°874/2004, le nom pourrait être transféré à la Défenderesse. L’Arbitre constate sur ce point l’absence de preuve permettant de soutenir les allégations de la Demanderesse.
L’Arbitre ne se prononce pas sur la question de l’usage de mauvaise foi dans la mesure où ce motif n’est pas invoqué par la Demanderesse.
L’Arbitre estime toutefois disposer d’éléments lui permettant de conclure que le nom <jibbitz.eu> a été réservé de mauvaise foi.
4) Le transfert du nom au profit de la Demanderesse, licenciée exclusive
La Demanderesse est licenciée exclusive de la société titulaire des marques JIBBITZ.
Dans la mesure où elle n’est pas elle-même titulaire de ces marques, se pose alors la question de savoir si l’Arbitre peut prononcer le transfert du nom <jibbitz.eu> en sa faveur.
Le Règlement (CE) n°874/2004 de la de la Commission du 28 avril 2004 ne contient aucune disposition sur la possibilité pour un Arbitre de prononcer le transfert d’un nom en <.eu> au profit du demandeur licencié exclusif.
Le transfert d’un nom de domaine au profit du demandeur licencié exclusif a toutefois déjà été prononcé par un Arbitre (Décision n°04759, Cyworld Europe GmbH c/Kausani Enterprises Ltd, <cyworld.eu>).
Un autre Arbitre a prononcé le transfert au profit du demandeur licencié sans que le caractère exclusif ou non de la licence ne semble avoir été pris en compte (Décision n°04037, AOL UK, Mr Nity Raj c/World Online Endeavours Limited, <aolireland.eu>).
Enfin, un Arbitre a même prononcé le transfert du nom de domaine au profit d’un Demandeur n’ayant pas apporté la preuve d’un contrat de licence signé avec le titulaire des marques invoquées dans la plainte. L’Arbitre s’est en effet contenté de constater que le Demandeur devait être d’une manière ou d’une autre bénéficiaire d’un contrat écrit ou verbal s’apparentant à une licence avec la société mère titulaire des marques invoquées dans la plainte (Décision n°04337, Enterprise Rent-a-Car UK Limited c/Mary Zeng, <enterprisecarrental.eu>).
En ce qui concerne le présent litige, et compte tenu des décisions précitées, l’Arbitre considère que le contrat de licence exclusive invoqué par la Demanderesse prouve un droit sur les marques communautaires JIBBITZ n°000 900 654 et n°000 901 949, ce qui est en conformité avec l’article 21§1 du Règlement (CE) n°874/2004 de la de la Commission du 28 avril 2004 qui exige que le nom de domaine enregistré soit identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit national et/ou communautaire.
La Demanderesse remplit donc les critères d'éligibilité généraux de l'article 4§2 b), du règlement (CE) n° 733/2002 pour que le nom lui soit transféré.
Decision
Pour les raisons indiquées ci-dessus, conformément au § B12 (b) et (c) des Règles, le Tribunal a décidé de transférer le nom de Domaine JIBBITZ à la Demanderesse.
PANELISTS
Name | Nathalie Dreyfus |
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Date de la sentence arbitrale
2008-08-25