Case number | CAC-ADREU-008658 |
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Time of filing | 2024-09-29 12:48:34 |
Domain names | sas-carrefour.eu |
Case administrator
Olga Dvořáková (Case admin) |
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Complainant
Organization | Caroline Garcia-Moreau (Carrefour) |
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Respondent
Name | Mile Stevic |
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Le Tribunal n'a été informé d’aucune autre procédure en cours concernant le nom de domaine <sas-carrefour.eu>
Le Requérant, la société Carrefour immatriculée auprès du registre du commerce et des sociétés d'Evry le 22 janvier 2019, a constaté la réservation du domaine <sas-carrefour.eu> (le "Nom de Domaine") le 3 juin 2024 par la Partie Défendante, Mile Stevic.
Le Requérant a porté cette affaire devant le Centre d'Arbitrage ADR ("Tribunal") en déposant une requête le 16 juillet 2024 en application des règles de résolution extrajudiciaires des litiges aux noms de domaine .eu (ci-après désignées les "Règles ADR").
La Partie Requérante fonde sa demande sur l’existence de droits qu'elle détient à titre de marque et notamment:
- Marque Européenne CARREFOUR n°5178371 enregistrée le 30 aout 2007, dûment renouvelée et désignant des produits et services en classes 09, 35 et 38
- Marque Européenne CARREFOUR n°8779498 enregistrée le 13 juillet 2010, dûment renouvelée et désignant des services en classe 35.
Le 25 juillet 2024, le Tribunal a requis à l'Eurid la transmission des informations relatives au nom de domaine et aux coordonnées du Défendeur. Ces informations ont été transmises le 26 juillet 2024.
Le Tribunal a procédé à la vérification de la requête le 26 juillet 2024 et a émis le même jour une notification de défaut sur la requête accordant un délai au Requérant pour régulariser sa Plainte.
Le Requérant a adressé une Requête modifiée en date du 26 juillet 2024 en précisant notamment les informations concernant le titulaire sur la base des informations transmises par l'EURID.
Après vérification de forme et du paiement de la taxe par le Tribunal, ce dernier a considéré la Plainte recevable par une communication du 26 juillet 2024 et a attribué à cette affaire le n° 08658.
La Requête a été notifiée à la Partie Défendante par voie électronique. La Partie Défendante n'ayant pas confirmé avoir reçu l'avis de procédure ADR en accédant à la plateforme en ligne dans les délais requis, l'avis de procédure ADR a été envoyé à la Partie Défendante par courrier le 5 août 2024.
La Partie Défendante avait donc un délai pour soumettre la réponse expirant le 9 septembre 2024. Le Tribunal, n'ayant pas reçu de réponse, a adressé un rappel en date du 8 septembre 2024 à la Partie Défendante.
La Partie Défendante n'a communiqué aucune réponse dans le délai imparti et après les rappels prescrits par les Règles ADR, le Tribunal a notifié et constaté l'absence de réponse le 19 septembre 2024.
Le 27 septembre 2024, le dossier est transmis à l’Expert pour que soit rendue une sentence arbitrale. Le Tribunal devait rendre son projet de décision au plus tard le 11 octobre 2024.
Le Requérant est la société Carrefour, créée en 1959. Carrefour est le leader européen et le deuxième mondial du commerce de détail et un pionnier du concept d'hypermarchés, dès 1963. Avec un chiffre d'affaires de 80,7 milliards d'euros en 2019, Carrefour est coté à l'indice de la Bourse Euronext Paris (CAC 40). Le Requérant indique qu'elle exploite plusieurs milliers de magasins dans plus de 30 pays à travers le monde, dont, en France, 3959 magasins de proximité. Avec plus de 384.000 employés dans le monde et 11 millions de visiteurs uniques quotidiens dans ses magasins et 1,3 millions de connexion Internet par jour, et précise être un leader mondial majeur et célèbre du commerce de détail.
Outre son activité de commerce de détail, le Requérant offre également des services de voyage, de banque, d'assurance ou de billetterie.
Le Réquérant mentionne être titulaire des enegistrements de marque suivants:
- Marque Européenne CARREFOUR n°5178371 enregistrée le 30 aout 2007, dûment renouvelée et désignant des produits et services en classes internationales 09, 35 et 38
- Marque Européenne CARREFOUR n°8779498 enregistrée le 13 juillet 2010registered on 13 July 2010, dûment renouvelée et désignant des services en classe internationale 35.
Le Requérant soutient que ses marques antérieures CARREFOUR jouissent d’une renommée internationale continue depuis plusieurs décennies et s'appuie notamment sur la décision arbitrale OMPI D2022-0278, Carrefour SA / Irwing Lesage :
« Le Nom de Domaine Contesté incorpore, en effet, dans son intégralité la marque CARREFOUR du Requérant, connue et distinctive (...). La notoriété de la marque du Requérant, comme vu ci-dessus, ne fait pas débat ».
Le Requérant soutient que :
a) Le Nom de Domaine Contesté est similaire au point de prêter à confusion avec sa marque antérieure "CARREFOUR"
L’addition du terme générique "SAS" aux droits antérieurs du Requérant au sein du Nom de Domaine Contesté n’est pas de nature à écarter le risque de confusion. Au contraire, le terme « sas » peut faire référence à la forme légale « société par actions simplifiées » en droit français.
Le Requérant soutient donc que le Nom de Domaine contesté est similaire au point de prêter à confusion avec des droits antérieurs du Requérant. Les internautes d’attention moyenne seront aisément amenés à croire que ce Nom de Domaine Contesté est géré ou affilié au Requérant.
b) La Partie Défendante n'a aucun droit ni intérêt légitime concernant le Nom de Domaine Contesté
Le Requérant n’a trouvé aucun élément démontrant que la Partie Défendante est connue, en tant que personne physique ou morale, par le nom de domaine contesté.
Le Requérant a effectué des recherches et n’a trouvé aucune marque CARREFOUR déposée ou enregistrée par la Partie Défendante. Le Requérant soutient que la Partie Défendante n’a acquis aucun droit lui conférant un intérêt légitime quelconque sur le Nom de Domaine Contesté.
La Partie Défendante reproduit le marque antérieure CARREFOUR du Requérant au sein du nom de domaine contesté, sans autorisation, licence ou droit d’aucune sorte de la part du Requérant, de telle sorte que la Partie Défendante a nécessairement enregistré le nom de domaine sans droit. Le Requérant n’a jamais autorisé la reproduction de sa marque CARREFOUR dans le nom de domaine contesté.
Le Requérant avance que La Partie Défendante n’a pas, avant le dépôt originel de la présente plainte, utilisé ou mené des actions en vue d’utiliser le nom de domaine contesté en relation avec une offre de produits ou de services de bonne foi. Au contraire, le nom de domaine ne résoud pas valablement.
Enfin, l’utilisation très large par le Requérant de sa marque est très antérieure à la date d’enregistrement du nom de domaine contesté. Le Requérant soutient donc à l’appui de sa demande qu’il a établi l’absence d’intérêt légitime de la Partie Défendante prima facie, et que charge est maintenant à la Partie Défendante de tenter de prouver qu’elle détient effectivement des droit ou intérêts légitimes sur ce nom de domaine.
La Partie Défendante a enregistré le Nom de Domaine Contesté plusieurs années après l'enregistrement de la marque du Requérant, qui s'est bâti une solide réputation en utilisant cette marque. En effet, le Requérant considère que sa marque est bien connue, CARREFOUR exploitant, comme indiqué précédemment, plusieurs milliers de magasins dans plus de 30 pays à travers le monde, dont, en France, 3959 magasins de proximité. Avec plus de 384.000 employés dans le monde et 11 millions de visiteurs uniques quotidiens dans ses magasins et 1,3 millions de connexion Internet par jour, Carrefour est un leader mondial majeur et célèbre du commerce de détail.
Ainsi, compte tenu du caractère distinctif de sa marque et de sa réputation, le Requérant soutient qu'il est inconcevable que la Partie Défendante ait pu enregistrer le Nom de Domaine Contesté sans avoir réellement connaissance des droits du Requérant .
Enfin, l’inactivité du nom de domaine démontre l’impossibilité pour la Partie Défendante de concevoir une utilisation active plausible, réelle ou envisagée du Nom de Domaine Contesté qui ne serait pas illégitime, comme par exemple une contrefaçon, une violation de la législation sur la protection des consommateurs ou une violation des droits du Requérant en vertu du droit des marques.
Le Requérant sollicite donc le transfert de ce nom de domaine.
Le défendeur n'a déposé aucune réponse.
Aux termes de l’article 4, §4 du règlement (UE) 2019/517 du 19 mars 2019 (ci-après désigné le "Règlement") :
"Un nom de domaine peut [...] être révoqué et s'il y a lieu, transféré par la suite à une autre partie à la suite d'une procédure de REL [...] quand le nom en question est identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel un droit est établi par le droit de l'Union ou le droit national et que ce nom de domaine :
a) a été enregistré par son titulaire sans celui-ci ait un droit ou un intérêt légitime à faire valoir sur ce nom ; ou
b) a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi".
Il appartient donc au Tribunal d'apprécier, au vu des faits relatés et des arguments exposés par les parties, si les conditions d’application de l’article 4, §4 du Règlement sont remplies afin de décider si le Nom de Domaine Contesté doit ou non être transféré au Requérant.
I. le nom de domaine enregistré est identique ou susceptible d'être confondu avec un nom sur lequel un droit est reconnu ou établi par le droit de l'Union européenne ou le droit national
Au regard des pièces produites par le Requérant, il est indéniable que le Nom de Domaine Contesté est susceptible d'être confondus avec le signe "CARREFOUR" sur lequel un droit de marque est établi par le droit de l'Union (marque européenne n° 5178371 et n°8779498) au sens de l'article 4, §4 du Règlement :
- d'une part, l'enregistrement par la Partie Défendante du Nom de Domaine Contesté, qui diffère de la marque et du nom de domaine du Requérant par la seule adjonction des lettres "SAS" devant le signe CARREFOUR et le séparant par un tiret, laissant ans conteste penser à la nature juridique d'une Société par Actions Simplifiée, est caractéristique d'une pratique de typosquatting ;
- d'autre part, l'ajout du suffixe ".eu" derrière la marque du Requérant n'affecte pas l'appréciation du risque de confusion dans le but de déteminer si le nom de domaine de second niveau enregistré par la Partie Défendante est identique ou similaire aux droits du Requérant.
Le Tribunal estime en conséquence que le Requérant rapporte la preuve que le Nom de Domaine Contesté est susceptible d'être confondu avec la marque invoquée au soutien de sa requête et que la condition posée par le paragraphe B(11)(d)(1)(i) des Règles ADR est satisfaite.
II. Le nom de domaine a été enregistré sans que son titulaire ait un droit ou un intérêt légitime à farei valoir sur ce nom
Aux termes du paragraphe B(11)(e) des Règles ADR, la preuve des droits du Requérant sur le nom de domaine Contesté ou de son intérêt légitime qui s’y attache aux fins du paragraphe B(11)(d)(1)(ii) peut être constituée, en particulier, par l’une des circonstances suivantes :
- Avant la notification du litige, la Partie Défendante a utilisé le nom de domaine ou la dénomination correspondant au nom de domaine en relation à une offre de biens ou de services, ou démontre avoir effectué des préparatifs à une telle démarche ;
- Le Défendeur, qu’il s’agisse d’une personne morale, d’une organisation ou d’une personne physique est généralement connu sous ce nom de domaine même s’il n’existe pas relativement au nom de domaine concerné un droit reconnu ou établi par le droit national et/ou par le droit de l’Union Européenne ;
- la Partie Défendante utilise le nom de domaine de manière légitime et à des fins non commerciales et équitable, sans que son objectif soit d’induire le consommateur en erreur ou de porter atteinte à la réputation de la dénomination sur laquelle porte un droit reconnu ou établi par le droit national et/ou par le droit de l’Union Européenne.
Lorsque le Requérant établit prima facie que la Partie Défendante n’a ni droit, ni intérêt légitime, sur les Noms de Domaine Contesté, la charge de la preuve de cet élément est renversée et c’est à la Partie Défendante d’apporter des preuves pertinentes démontrant un droit ou intérêt légitime sur le Nom de Domaine Contesté. Si la Partie Défendante n’apporte pas de telles preuves pertinentes, le Requérant est réputé avoir satisfait au deuxième élément.
Au regard des pièces communiquées au Tribunal, le Requérant établit l’absence de droit et d’intérêt légitime du Défendeur sur le Nom de Domaine Contesté. La Partie Défendante ayant renoncé à se défendre et n’ayant pas fait valoir l’existence d’un usage légitime du Nom de Domaine Contesté, le Tribnual ne peut que conclure que la deuxième condition du paragraphe B(11)(d)(1) des Règles ADR est satisfaite.
Le Tribunal estime en conséquence que la Partie Défendante a enregistré le Nom de Domaine Contesté sans droit ni intérêt légitime à faire valoir sur ce nom.
III. Le nom de domaine a été enregistré ou utlisé de mauvaise foi
Il résulte des pièces versées aux débats que le Nom de Domaine Contesté pointe vers une page inactive depuis son enregistrement et que le la Partie Défendante ne démontre aucune activité relative au Nom de Domaine Contesté, ce qui est constitutif d'un usage de mauvaise foi (voiire notamment Bolloré c. Leroy Jean-Paul, CAC8052, <bollore-enrgys.eu>; Inbokss SIA v. Worldwide Trademarks BVBA, CAC 5892, <inbox.eu>; AXA v. Sylux Sylwester Domitrz, CAC 5544, <axabank.eu>; Cork City Council v. Traffic Web Holding B.V., CAC 3230, <cork.eu>; Sanofi v. Poussieres d'Etoiles, CAC 6492, <oenobio.eu>.
Le Tribunal estime en conséquence que la Requérante rapporte la preuve que le Nom de Domaine Contesté a été enregistré de mauvaise foi par la Partie Défendante et que les conditions du paragraphe B(11)(d)(1)(iii) des Règles ADR sont satisfaites.
Dès lors que le Requérant est une société française, immatriculée au RCS d'Evry sous le numéro 652 014 051 et dont le siège social est situé 93 avenue de Paris, 91300 MASSY, qui remplit la condition d'éligibilité posée par l'article 4 §6 du Règlement, le Nom de Domaine Contesté est transféré au Requérant.
Pour les raisons indiquées ci-dessus, conformément au § B12 (b) et (c) des Règles, le Tribunal a décidé de transférer le nom de Domaine <sas-carrefour.eu> à la Partie Requérante.
PANELISTS
Name | David-Irving Tayer |
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